La dernière prise de position sur le loup relance le débat qui n’est toujours pas achevé, loin de là, dans les Pyrénées, à propos de l’ours.
1) Le retour du loup est-il normal ?
Absolument : la monoculture du maïs favorise le développement des parasites ; les élevages industriels de volailles, l’extension du virus H5N1 ; les grands troupeaux, les prédateurs (comme le loup) ; la concentration des malades dans des hôpitaux gigantesques, les maladies nosocomiales, etc.
Les petites unités, les petits élevages, les petites exploitations sont beaucoup plus à l’abri. Seule la petite densité et la diversité permettent de contrôler les équilibres.
2) Le loup présente-t-il un inconvénient ?
Avec les grands troupeaux de plusieurs milliers de têtes, à la merci des chiens errants, sans ou avec un nombre réduit de bergers allant, de plus en plus, coucher chez eux le soir (ce n’est pas une critique, c’est un fait), l’inconvénient est incontestable. La disparition du loup avait favorisé l’élevage productiviste.
Par contre, les petits troupeaux, à l’ancienne, avec le berger qui vit tout l’été en cabane, qui traite son lait, qui a ses chiens pour rassembler les bêtes, le soir en particulier, dans des enclos, avec ses « vigiles », les ânes pour avertir, les gros chiens Patous au sein du troupeau pour protéger, les pertes sont insignifiantes. En Savoie, 72 % des brebis dont la mort est attribuée au loup sont issues de troupeaux non protégés, 4 % seulement sont issues de troupeaux bien protégés (étude DDAF 2004). Rappelons que la protection des troupeaux est prise en charge au moins à 80 % par l’État et l’Europe.
La solution de créer des « parcs de rétention » pour loup permet de sauver des individus mais pas l’espèce. Elle n’est pas en péril, dîtes-vous, jusqu’à quand, si on raisonne partout de la même façon !
3) Le loup est-il utile ?
Par sa situation de prédateur, c’est un régulateur de l’ensemble du milieu vivant. Sans lui, les herbivores comme les lapins, les rats, les campagnols, les Isards ou Chamois, prolifèrent, au détriment bien sûr des prairies d’alpages ; ils dévorent les jeunes pousses et appauvrissent la valeur des prairies ; les terriers et les galeries déstabilisent les pentes et favorise l’érosion. Parmi ses proies figurent les mouflons, les chevreuils, les cerfs et les sangliers, ces derniers reconnus, dans les Pyrénées, comme le grand fléau résultant du déséquilibre.
Les loups s’attaquent, comme tous les prédateurs, aux animaux les plus faibles, les malades (moutons atteints du piétin, de brucellose), les jeunes non surveillés par les adultes handicapés.
Ils participent à l’assainissement du troupeau, car les bêtes en pleine forme restent groupées ,suivent le troupeau et se font rarement prendre.
Le loup est un véritable « bassin d’emplois » ; il permet de favoriser la création des emplois de bergers, d’éleveurs et de dresseurs de chiens, d’éleveurs d’ânes, donc de favoriser l’artisanat et la vie régionale. Restant, par obligation, sur place, la fabrique artisanale des fromages donne de l’essor à l’économie des vallées. Le tourisme est avide d’authenticité.
4) Il convient donc de faire un bilan :
• Il faut d’abord comptabiliser les pertes dues à l’action des prédateurs autres que le loup : les chiens errants sont, de loin, les plus redoutables (la surveillance indiquée plus haut minimise ce problème), puis viennent les lynx, les aigles et petits prédateurs sur les agneaux très jeunes (renard), enfin les maladies bactériennes et virales dues à la concentration du cheptel.
• Il faut évaluer les sommes très importantes qu’il faudra débourser, sans lui, pour lutter contre l’érosion, la perte de valeur nutritive des prairies et l’éradication des rongeurs, des sangliers, des renards, des aigles ! (il ne restera plus grand chose !)
• Et comparer tout cela à la valeur des bêtes prélevées par le loup et aux indemnités versées par l’État et l’Europe : Le montant des deux programmes LIFE-Loup (1997 - 2003), a été de 4,7 millions € pour l’ensemble des Alpes et pour 7 ans (incluant indemnisations, mesures de prévention, suivi scientifique), soit 671 000 € par an, soit 0,01 euro par an et par habitant. A comparer, par exemple, au coût du traitement des maladies de l’élevage de 46 000 000 € en 2004.
A titre de comparaison, le coût de gestion de nos ordures ménagères est de 30 à 75 € (selon les sites) par an et par habitant. Par ailleurs, les productions agricoles (majoritairement les céréaliers) bénéficient chaque année de plus de 11 milliards € de soutien. Alors, trop cher, le loup !
Conclusion : Nous sommes en présence de deux philosophies de la vie, de deux sociétés, donc d’un choix politique, et de deux conceptions dans la répartition des richesses. Ces richesses ne sont pas uniquement financières, elles sont aussi culturelles. Je ne suis pas rentré dans des considérations scientifiques sur l’intérêt de maintenir un écosystème en équilibre, mes propos, sont restés volontairement anthropiques.
Georges Vallet