Opposition formelle de Sepanso64 au projet E-CHO
Un projet à hauts et multiples risques
Article mis en ligne le 4 mars 2024

Ce projet E-CHO, à Lacq (64), est présenté comme un projet de bio carburants « Bas Carbone » par la PME Elyse Energy , créée en 2020 par de jeunes entrepreneurs. Ils annoncent un coût du projet à 2 milliards d’euros pour produire 1,2% du kérosène utilisé par la flotte d’avions français. Ils ont touché 9,4 millions d’euros de fonds publics sur deux lignes de financement de l’ADEME et une de la Région N.A pour lancer ce projet et animer une Concertation préalable encadrée par la CNDP (Commission nationale du Débat Public).
Les bénévoles de Sepanso64, dont l’équipe de Lacq ont étudié attentivement les composantes de ce projet et déposés six cahiers d’acteurs lors de la concertation préalable terminée le 17 janvier 24, dont cinq avec le collectif « Touche pas ma forêt pour le climat » (TPMF = 38 associations dont Sepanso64).
E-CHO propose de construire 3 usines sur 75ha à Lacq (64) : une méga-usine d’électrolyseurs d’hydrogène (H2) et deux usines de carburants de synthèse e-Méthanol et e-Kérosène. L’Hydrogène alimenterait la fabrication de e-kérosène à partir de bois et celle de méthanol à partir de CO2 à capter sur la plateforme industrielle de Lacq. Les contributions (cahier d’acteur) déposées portent sur les sujets suivants : Climat-neutralité carbone, Eau, Biomasse, Hautes émissions Carbone, Partenariat Alliance Foret Bois, Demande d’expertise indépendante du GIEC et Hypothèses techniques et financières du projet.
Les approximations constatées, tant du point de vue technique, environnemental ou financier, que les besoins hors normes en ressources naturelles (eau du gave de Pau, forêts d’Aquitaine et d’Occitanie, puissance électrique) et 2 milliards d’euros de budget, alertent sur l’aberration du projet. Actuellement au stade d’un dossier de présentation, E-CH0 est présenté prématurément et abusivement comme un projet industriel alors qu’il n’a pas été testé, ni n’a démontré des gains vis à vis du changement climatique avec de moindres émissions de CO2 et gaz à effet de serre.
L’opposition des associations s’est construite autour des principaux risques climatiques et environnementaux liés à ce projet car les porteurs de projets n’ont pas su répondre aux questions du public, même élémentaires, comme justifier l’économie de 622 000 tonnes de CO2 annoncées, ou justifier de la disponibilité de 500 000tonnes (300 000t sec) de déchets forestiers dans le Sud Ouest.
Risque N°1 : Des émissions de CO2 supérieures à l’utilisation de kérosène fossile. Le projet n’a pas intégré le coût carbone de l’abattage des arbres, ce qui a été démontré dans une étude publiée dans le revue Nature ( Vol 620, 3 Aout 2023, p 110).
Cela représente un coût de 1,25 tonne de CO2 par m3 récolté chaque année dans l’intervalle de temps 2010-2050. Cet ordre de grandeur est en accord avec des travaux antérieurs effectués en France en 2017* en 2020** et en 2021***. Cet article de Nature démontre de manière éclatante qu’il est essentiel de limiter les récoltes forestières pour lutter contre le changement climatique. Tout se passe comme si il y avait émission de 1 500 000 t de CO2 suite à la seule récolte forestière des 500000t de déchets forestiers de ce projet, auxquels s’ajoutent les 500000t d’émissions du kérosène brulé dans les avions.
*Valade, A et al. Bilan carbone de la ressource forestière française. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01629845
** Leturcq,P. Empreinte carbone de la forêt et de l’utilisation de son bois. https://revueforestièrefrancaise.agroparistech.fr (vol 72, n°6, p525)
*** Logel,X et al. Analyse du cycle de vie du bois énergie collectif et industriel. https://librairie.adme.fr octobre 2021
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Risque N°2 : Prélèvements d’eau du gave de Pau- Prévisions 8 millions de M3 et rejets 4 millions M3
Plusieurs arguments sont fournis par l’Agence de l’eau Adour Garonne elle même dans sa contribution écrite à la concertation préalable , précisant que 4Mm3 équivaut à la consommation de la ville de Pau, que le projet ne précise pas les rythmes de prélèvements ce qui ne permet pas de vérifier sa compatibilité avec les débits du gave de Pau et qu’il est erroné d’utiliser les débits du Gave comme constants depuis 2000, alors qu’ils diminuent. De plus ce projet va à l’encontre du Plan Sobriété national , -10% d’ici 2030. Enfin la plateforme de Lacq pompant déjà 11 millions de M3 ( en 2022) dans le gave, pourquoi le projet n’a t il pas exploré la réutilisation des eaux prélevées par les autres industriels de Lacq ?
Quant aux rejets dans le gave, Sepanso 64 dénonce depuis des années les pollutions du gave (notamment Pfas issus de Lacq) , son exploitation désastreuse par le carrier Daniel et certaines installations hydroélectriques pour tenter de protéger les espèces vivantes fragilisées qui subsistent. Ce projet ne fera donc qu’accélérer les pollutions et extinctions des espèces …dans un site Gave de Pau Natura 2000, sensé être protégé !
Risque N°3 : Biomasse in- disponible
Le Schéma régional Biomasse publié en 2022, nous explique que toute la biomasse est mobilisée* et il recherche des « gisements », en tablant sur la constructions de pistes forestières et route en montagne pour atteindre des zones protégées inaccessibles, en tablant sur des algues inexistantes (disparition en 2023 de 50% des algues rouges récoltées), en omettant les incendies actuels et dépérissement des forets. Comment E-CHO peut il prétendre mobiliser 500000 tonnes de plus alors que tous les usages actuels continuent de progresser et que de nouvelles installations ont été récemment mises en service (chaufferies, biocarburants, méthanol à Tartas…) et que nous devrions au contraire ralentir les prélèvements sur les forêts. (* Usages actuels : Bois d’œuvre+ Bois Energie/chauffage+ Bois industrie) .
Risque N°4 : Biodiversité et santé des eaux et des sols
L’abattage des forêts , quelles soient naturelles, futaies irrégulières ou plantations, détruit inexorablement faunes et flores, leurs habitats et sources de nourriture : notre région n’échappe pas à l’effondrement de la biodiversité planétaire, région particulièrement exposée à l’usage d’engrais et pesticides agricoles et aussi forestiers. Le partenariat annoncé entre Elyse Energy et la coopérative Alliance Foret Bois, aux pratiques de coupes rases particulièrement destructrices, aggrave donc les perspectives par ces pratiques stérilisant toute vie du sol, un sol acidifié et pauvre auquel nous devrions laisser toute la biomasse possible pour l’aider à se régénérer et entretenir la microfaune indispensable à la chaine alimentaire, aux habitats et aux puits Carbone.
Enfin la vie aquatique sera menacée par des rejets chauds ( 28° à 30°C) et pollués au kérosène, méthanol, produits réfrigérants ou de dé-ionisation, gazéification, lavage des installations.
Risque N°5 : Consommation hors norme d’électricité : ligne de 400000volts/ Puissance 280MW et 240MW . Cette consommation équivaudrait à la production d’un demi réacteur nucléaire pour alimenter à l’année ces usines avec 2 lignes à 400000 volts, pour 520MW . Cette électricité est vantée « renouvelable, bas carbone » alors que le réseau EDF fournit une énergie indifférenciée selon la provenance, et que le mix français n’est pas exempt d’émission de CO2. En outre le calcul de l’apport d’énergie à ces usines , comparé à la production énergétique de ces usines semble très négatif selon Les Amis de la Terre des Landes : pour produire 1KWh d’énergie on consommerait ici rien qu’en électricité 2,3 KWh auxquels Il faut ajouter les énergies des externalités : transports, production de bois (travail des sols, éclaircissages, débroussaillages), etc.

N’abordons pas la logistique…
Les éléments connus étant vraiment encore très approximatifs , on peut évaluer les transports de bois à 60 gros camions .jour , 6 jours/7 et peut être 20 à 30 de plus par jour pour délivrer les carburants vers les ports de Bayonne ou Bordeaux, soit de très lourds déplacements de matériaux. Seuls s’en réjouissent les gestionnaires du port de Bayonne afin d’accueillir (en pleine zone urbaine) des carburants à stocker et transborder sur l’Adour, rivière déjà asphyxiée de polluants qui sont déversés directement dans l’océan…
Nous émettons donc le vœu que cette concertation préalable suffira à stopper immédiatement ce projet et libérera nos bénévoles car de tels processus sont éminemment politiques, une course effrénée aux énergies renouvelables qui malheureusement, dans ce cas, ne conditionnent pas un avenir meilleur.