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Nanotubes de carbone - [SEPANSO Pyrénées-Atlantiques]
Nanotubes de carbone
Pourquoi ne pas informer sur les vrais risques ?
Article mis en ligne le 1er mai 2015

Malgré la parution en 2013, d’un rapport inquiétant de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) concernant les nanotubes de carbone (GRAPHISTRENGTH C100) produits par Arkema sur son site de Mont, l’industriel affirme fabriquer ces matériaux sans que l’on puisse connaître véritablement le nombre de tonnages produits . Il est en cela appuyé par les pouvoirs publics. Ainsi fin 2014 le Conseil régional d’Aquitaine a renouvelé son contrat de partenariat avec ARKEMA.

Historique

2003 Arkema s’engage dans un programme de développement de matériaux nano-structurés.

2006 Lors de l’inauguration du pilote de synthèse industrielle de nanotubes de carbone en janvier 2006, Arkema et la région Aquitaine annoncent leur intention de soutenir cet effort de recherche du groupe en région et de créer un partenariat pour la structuration d’une filière de matériaux nano-structurés en Aquitaine.

2008 Création de la plate-forme CANOE : Arkema et le Conseil régional d’Aquitaine signent un protocole d’accord pour la mise en place d’une plate-forme d’innovation technologique à vocation européenne pour le développement de la filière nanomatériaux. Le partenariat est reconduit jusqu’en 2013.

La même année Arkema lance avec 16 autres partenaires le programme de recherche et de développement GENESIS, financé pour partie par des fonds publics via Oséo [1]. Ce programme a pour objectif le développement de nouveaux matériaux nanométriques et leurs applications industrielles.
La condition pour percevoir les subventions ? Faire une évaluation des risques sanitaires et environnementaux. L’ANSES est chargée d’expertiser cette évaluation.

2010 Parution du rapport du commissaire enquêteur sur l’enquête publique sur le projet d’Arkema à Mont de pilote industriel de nanotubes de carbone.
Le commissaire enquêteur donne un avis favorable au projet en se questionnant : « que ce serait-il passé si :
 mythologie : Zeus avait instauré le principe de précaution,
 religion : Adam et Eve avaient respecté le principe de précaution (question posée aux laïques),
 si Pasteur s’était heurté à ce principe,
 si Arago avait décrété le principe de précaution,
 si Pierre et Marie Curie s’étaient abrités derrière ce principe.
Bref, notre époque connaît une singulière "peur" de la science
 ».
Présentation en CODERST [2], le 21 octobre de la même année, du dossier de demande d’autorisation. Le projet sera adopté. Seule la SÉPANSO 64 votera contre.

2013 D’après le ministère de l’économie et des finances, la France est placée 2ème au rang européen derrière l’Allemagne dans le domaine des nanotechnologies [3].
Toutefois, la même année le chimiste allemand Bayer annonce la fermeture de son usine de nanotubes de carbone. La question se pose quant au marché des NTC [4].

2014 Mise en ligne en janvier du dernier rapport de l’ANSES sur l’évaluation des risques liés au GRAPHISTRENGTH C100 réalisée dans le cadre du programme "GENESIS". Le groupe d’experts de l’ANSES conclut en écrivant : « En l’absence de données spécifiques et détaillées relatives au GRAPHISTRENGTH C 100 contenu dans les produits de consommation, il est impossible de réaliser une évaluation des dangers et des risques potentiellement liés à ces produits ».
Le 15 décembre, le Conseil régional d’Aquitaine renouvelle son contrat de partenariat avec Arkema sans aucune contrepartie portant sur les problèmes environnementaux et sanitaires.

Le GRAPHISTRENGTH C100 : De quoi s’agit-il ?

Le GRAHISTRENGTH C100 est un nanomatériau. C’est un nanotube de carbone ou NTC.

Les nanomatériaux sont invisibles à l’œil nu. Un nanomètre c’est le milliardième du mètre. Les nanoparticules sont 50 000 fois plus petites qu’un cheveu ce qui leur permet de franchir les barrières physiologiques y compris le placenta et cela jusqu’au cœur des cellules.

Beaucoup de questions concernant les effets de ces matériaux sur la santé et l’environnement mais aussi sur l’exposition de la population générale et professionnelle et, in fine, sur les risques associés à ces substances sont actuellement sans réponse.

Malgré cela, les nanoparticules envahissent notre quotidien (crèmes solaires, textiles, aliments, peintures, etc.) et on les retrouve dans plusieurs secteurs industriels dont le bâtiment, l’automobile, l’emballage, la chimie, l’agro-alimentaire, les produits cosmétiques.

Les nanotubes de carbone sont 6 fois plus légers et 100 fois plus résistants que l’acier. Ces propriétés induisent de nombreuses applications : élaboration de matériaux composites haute performance, de polymères conducteurs ou encore de textiles techniques. Ils sont ainsi utilisés dans l’aéronautique (aile d’avion), l’automobile, les équipements sportifs (raquettes de tennis, cadres de vélo), l’électronique (diode, transistor).

Les rapports de l’ANSES

 Le dernier rapport de l’ANSES concernant le GRAPHISTRENGTH C100 mis en ligne en janvier 2014 est accablant pour ARKEMA.

Rapport ANSES

En effet pour l’Agence, la caractérisation physico-chimique est inadaptée, la toxicité potentielle a mal été évaluée, tout comme l’éco-toxicité. L’analyse du cycle de vie du matériau et le problème de l’exposition des travailleurs dans les installations d’ARKEMA ont été totalement éludés.

Le groupe d’experts de l’ANSES a donc conclu que le risque associé au GRAPHISTRENGTH C100 ne pouvait être apprécié. Il a demandé la suspension de la production jusqu’à l’évaluation des risques sanitaires élargissant cette recommandation aux NTC en général. Il recommande également une instauration par les pouvoirs publics d’un contrôle de l’évaluation des risques des produits contenant des NTC.

 En avril 2014, l’ANSES publie un avis sur l’évaluation des risques liés aux nanomatériaux. Si, d’après ce rapport, des progrès qui restent à améliorer sont faits dans certains domaines :(méthodologie d’évaluation, déclaration des substances à l’état nano-particulaire, débats entre parties prenantes) , de nombreuses incertitudes demeurent : "il reste toujours très difficile d’évaluer le risque sanitaire de tel ou tel nanomatériau dans tel ou tel produit de la vie courante". L’ANSES ajoute que "différentes publications scientifiques ont observé, pour certains nanomatériaux des effets sur certains organismes vivants" citant des effets génotoxiques et de cancérogénèse de certains nanomatériaux, des effets sur les systèmes nerveux central chez l’animal, le passage de certaines barrières physiologiques (hémato-placentaire, testiculaire, intestinale, etc.), des retards de croissance, des anomalies ou malformations dans le développement ou la reproduction chez des espèces modèles, etc.

Enfin l’Agence demande l’inscription des nanomatériaux dans le cadre du règlement européen des substances chimiques dangereuses.

Conclusion

La réglementation concernant les nanomatériaux est aujourd’hui quasi inexistante. Or, d’après le ministère de l’économie et des finances ce sont plus d’un millier de produits de notre vie courante qui contiendraient des nanomatériaux [5]. Les dangers sont mal connus.

Les industriels veulent développer ces productions. Mais nous l’avons déjà vu dans plusieurs dossiers : Arkema est loin d’être une compagnie "modèle". Et tout ceci est soutenu par nos politiques, et en partie financé par les deniers publics.

On nous explique que nous allons vers le progrès.

Nous sommes sur la même problématique que celle des perturbateurs endocriniens que l’on a mis sur le marché dans les années 80 alors que l’on ne connaissait pas ou très peu les conséquences sanitaires. C’est le cas du bisphénol A que l’on trouve dans les tickets de caisse, les reçus de carte de crédit et qui tapisse l’intérieur de certaines boites de conserve, de canettes…

Dans ces conditions, nous réclamons une expertise indépendante et l’arrêt des productions tant que l’innocuité des nanomatériaux n’est établie ni pour les salariés sur le site de production, ni pour les usagers-consommateurs et l’environnement, ni pour le traitement ou le recyclage des objets en fin de vie.

Nous posons la question de l’utilité sociale de ces prises de risque.

Comme le préconise l’ANSES, nous demandons « dans le processus de gouvernance des risques des nanomatériaux, la transparence et une participation accrue des publics concernés (associations de citoyens, partenaires sociaux, professionnels de santé, etc.) ».

Nous nous interrogeons sur l’entêtement des politiques à soutenir ces productions.

Allons-nous, une fois de plus, continuer à laisser faire et attendre un scandale sanitaire pour réagir ?