De qui se moque-t-on ?
Article mis en ligne le 4 novembre 2019
dernière modification le 5 novembre 2019

Il y a les discours qu’industriels, élus, représentants de l’état tiennent devant les médias et il y a la réalité, le quotidien…

Cela fait 5 ans maintenant que les riverains et la SEPANSO64 se battent ensemble pour dénoncer une situation environnementale et sanitaire inquiétante.

Cela fait 5 ans que les riverains se plaignent d’odeurs nauséabondes mais également de sérieux effets physiologiques.

Ces dernières semaines des riverains ont été, encore une fois, réveillés en pleine nuit par des intensités d’odeurs rarement atteintes, des effets physiologiques importants : Irritations des voies respiratoires, langue et yeux qui brulent, nausées. Certains se sont présentés aux urgences. …

Pendant ce temps :
Les industriels continuent de produire en utilisant la torche dans leur procédé, envoyant dans l’air de dangereuses substances.

Les inspecteurs des installations classées, par manque de moyens ou/et par une trop grande compréhension envers les industriels (voir l’exemple de la gestion du dépôt d’acroléine) semblent impuissants à empêcher les rejets de substances chimiques.

La très grande majorité des élus se taisent ou continuent de tenir un discours opposant emploi et défense de l’environnement sans vouloir comprendre que l’un et l’autre ne sont pas incompatibles…et que ce discours est largement dépassé.

Nous avons choisi de présenter deux industries dont les dysfonctionnements sont incontestables : ARKEMA Lacq et SOBEGI Mourenx, la surprenante gestion d’un dépôt d’une substance très dangereuse : l’acroléine (Gestion faite par ARKEMA Mourenx dans un premier temps puis par SBS Mourenx).

Enfin, nous reviendrons sur la réaction des services de l’Etat face à ces dysfonctionnements récurrents.

ARKEMA LACQ

ARKEMA Lacq utilise un gaz que l‘on trouve dans la composition du gaz de Lacq : l’hydrogène sulfuré(1). Celui-ci est très toxique et très inflammable. Une fois l’utilisation de l’hydrogène sulfuré faite, ses résidus sont envoyés vers une unité de traitement.
Autrefois, TOTAL avait un incinérateur qui les brûlait. Avec le départ de TOTAL, l’incinérateur disparait.

2009 : MISE EN PLACE D’UNE UNITÉ EXPÉRIMENTALE QUI FONCTIONNE D’EMBLÉE À GRANDE ÉCHELLE.

Un nouvel industriel s’installe sur la plate forme de Lacq : Zéro Pollution Système. Elle est autorisée à traiter et à exploiter les résidus soufrés dans une unité de traitement (URS).
Cette unité est expérimentale et fonctionne étonnement d’emblée à grande échelle.
Zéro Pollution Système rencontre de nombreux problèmes, mais l’entreprise est tout de même autorisée en mars 2016 à émettre davantage de produits dans l’air.

2016 ARKEMA PREND LE RELAIS.

Un mois plus tard, ARKEMA prend le relais de Zéro Pollution Système en liquidation judiciaire.
Dans l’opération ARKEMA est donc autorisé à traiter davantage de produits avec un système qui fonctionne mal.

2017 : QUAND L’INDUSTRIEL A TROP SOUVENT RECOURS A LA TORCHE.

En décembre 2017, suite à un signalement en date du 24 novembre à l’extérieur de la plate-forme, un Arrêté Préfectoral d’urgence est pris, mettant en lien les dysfonctionnements de l’URS et les nuisances relevées ce jour là. Le préfet souligne que ces dysfonctionnements sont susceptibles d’apporter des nuisances au voisinage.
En fait, on apprend que l’unité de retraitement des résidus soufrés dysfonctionne toujours.

Les résidus sont en grande partie torchés sans aucun traitement. Ils sont donc brûlés dans une cheminée et émettent dans l’atmosphère des produits toxiques.
Or la torche ne doit pas être un organe de traitement de rejets atmosphériques mais seulement un outil de sécurité .

2018 : QUAND L’INDUSTRIEL ET L’INSPECTION RECONNAISSENT LA PRÉSENCE D’ÉMISSIONS D’ACIDE SULFURIQUE (4) :

Dans son rapport de février 2018 l’inspecteur rappelle à l’industriel que le recours à la torche n’est qu’une tolérance. Il note qu’ARKEMA ne respecte pas les valeurs limites d’émissions de dioxyde de soufre(2) ni celles du monoxyde de carbone(3).

L’inspecteur reconnait que le niveau de fiabilité de l’URS est insuffisant, que l’on manque de connaissance quant aux émissions d’autres substances telles que le trioxyde de soufre ou/et par ricochets l’acide sulfurique(4)- composantes de pluies acides.

Ces émissions n‘étaient tout simplement pas prévues. L’acide sulfurique est corrosif pour la peau, les yeux, les voies respiratoires et digestives. Nous découvrirons, plus tard, que les services de l’Etat et l’industriel connaissaient ces rejets depuis 2016.

Face à cette situation, les services de l’Etat, ont un comportement étrange. En effet ils réglementent les émissions de l’acide sulfurique source de pluies acides.

Trois unités en émettent : une à SOBEGI Mourenx, deux à ARKEMA sur la plate forme de Lacq dont l’URS …De manière surprenante un arrêté préfectoral fixe à chaque unité ses propres valeurs limites.

Comment ont-elles été calculées ?

Aucun document officiel en notre possession ne nous l‘explique…

Tout cela n’empêche pas le préfet d’autoriser une extension des unités d’ARKEMA à Lacq. Unités dont les résidus doivent être traités par …l’URS… quand celui–ci fonctionne.

La population et l’environnement sont encore une fois sacrifiés.

QUAND L’INSPECTION NOTE PLUSIEURS ÉCARTS.

En décembre 2018, un nouveau rapport de l’inspection nous apprend qu’ARKEMA n’a pris aucune disposition pour réduire la marche des unités en cas de dysfonctionnements de l’URS, qu’aucune étude d’évaluation de l’impact du torchage n’a été faite comme cela est exigé par les arrêtés préfectoraux. Qu’en est-il aujourd’hui ?

INFO OU INTOX ?

ARKEMA, après tant d’années de dysfonctionnement de l’URS et de dénis d’émissions dangereuses, promet enfin un reconditionnement de l’URS et une meilleure maîtrise des émissions.
Il faudra juger sur les résultats auprès des riverains.

SOBEGI MOURENX

SOBEGI Mourenx, est le gestionnaire des services sur la plateforme de Mourenx.
C’est une filiale à 100% de TOTAL.
Elle traite les gaz résiduaires des différentes industries par oxydation ou incinération.
SOBEGI Mourenx exploite également une torche de sécurité en cas d’incident/accident et pour les effluents venant du stockage d’acroléine.
SOBEGI Mourenx a plusieurs fois été mise en demeure de respecter les différents arrêtés préfectoraux pour son oxydateur et pour son incinérateur.

L’OXYDATEUR :

En février2017, un arrêté préfectoral de mise en demeure est pris pour non respect des valeurs autorisées de rejets atmosphériques depuis au moins 2011.

En juin 2018 devant la persistance des dysfonctionnements, l’inspecteur demande au préfet l’application immédiate du paiement d’une astreinte journalière de 300 € pour non respect des valeurs autorisées, pour des résultats d’auto-évaluation non transmis dans les délais, et pour absence d’explications.

Aujourd’hui, nous n’avons aucune information, ni sur la suite donnée aux sanctions, ni sur la mise en conformité de SOBEGI.

L’INCINÉRATEUR :

Une inspection montre en avril 2017 que les effluents de LUBRIZOL et ceux d’une unité d’ARKEMA Mourenx sont directement envoyés en continu à la torche au lieu d’être incinérés et ce, depuis au moins 2011. Ce mode de fonctionnement est permanent. Un arrêté de mise en demeure est pris pour non respect de l’arrêté préfectoral de 2011.

En mai 2018 l’inspecteur constate que SOBEGI n’est toujours pas en conformité. Il demande alors au préfet dans son rapport du mois de juin, l’application sous deux mois du paiement d’une seconde astreinte journalière de 300 € jusqu’au respect de l’arrêté de 2011.

Il transmet son rapport au procureur. On sait aujourd’hui qu’ARKEMA a installé des filtres à charbon pour éviter l’envoi des effluents d’une de ses unités vers la torche de SOBEGI.

Nous ne savons rien sur la gestion des effluents venant de LUBRIZOL.

Nous n’avons pas non plus d’informations concernant les suites données aux sanctions proposées par l’inspecteur.

LE DÉPÔT D’ACROLÉINE… UN FEUILLETON À REBONDISSEMENTS.

L’acroléine (5) est un composé toxique utilisé comme gaz de combat durant la Première Guerre mondiale. Il provoque des brûlures de la peau, des lésions oculaires graves, entraine des effets néfastes à long terme et est corrosif pour les voies respiratoires. Il est très toxique pour les organismes aquatiques.

GESTION DU DÉPÔT PAR ARKEMA OU LA DÉCOUVERTE PAR L’INSPECTION D’UN DYSFONCTIONNEMENT RÉCURRENT :

De 1997 à 2015, ARKEMA Mourenx exploite un stockage d’acroléine pour SBS usine voisine qui produit des dérivés d’acroléine utilisés en parfumerie, pharmacie et chimie.

En 2010 une inspection constate le non respect de l’Arrêté Préfectoral de 1997 : D’après les données de l’industriel, cet arrêté imposant l’incinération n’a été respecté que quelques mois seulement après le début de l’exploitation. Depuis 1997, les effluents gazeux issus du stockage d’acroléine sont dirigés vers la torche de sécurité au lieu d’être incinérés.

QUAND ARKEMA NÉGOCIE AVEC L’INSPECTION DES INSTALLATIONS CLASSÉES :

En 2013, la situation n’a pas évolué. L’inspecteur écrit dans un rapport : « Seule la perspective d’une mise en demeure….. a décidé l’exploitant à s’engager réellement dans une démarche de traitement du problème ». La suite est une série de rebondissements. Une première mise en demeure est prise à l’encontre d’ARKEMA, laissant à l’entreprise jusqu’au 30 septembre 2014 pour se mettre en conformité … Mais c’est mal connaître ARKEMA.

LES SURPENANTES RÉACTIONS DES SERVICES DE L’ÉTAT :

En mai 2014 ARKEMA présente un projet de réduction des effluents d’acroléine, projet que l’administration qualifie de solution alternative.
En septembre, ARKEMA- qui n’est toujours pas en conformité- demande l’abrogation de la mise en demeure de 2013 mais ne précise pas de délais pour les travaux restant à faire.
ARKEMA obtiendra satisfaction et 4 jours avant l’échéance fatidique du 30 septembre, une nouvelle mise en demeure est prise annulant la première. La mise en conformité est fixée au 30 mars 2015.

L’année 2015 sera, elle aussi, une année riche en rebondissements. Le 27 mars, soit trois jours avant la date de mise en conformité (fixée au 30 mars 2015), un nouvel arrêté complémentaire est pris.
Il considère que la réduction des effluents d’acroléine proposée par ARKEMA présente une solution alternative au traitement par incinération.
L’industriel a jusqu’au 01 janvier 2020 pour que le flux d’acroléine gazeux rejeté vers la torche soit inférieur à 0.1kg/heure. Ce qui lui permettra de torcher.

CHANGEMENT DE GÉRANT ET SITUATION TOUJOURS PROBLÉMATIQUE

Le 31 juillet 2015 un arrêté préfectoral (basé sur la proposition de réduction des rejets faite par ARKEMA le 27mai 2014) autorise SBS à gérer le dépôt d’acroléine.

En 2017, une nouvelle inspection révèle que SBS n’est pas en conformité. Le torchage est excessif, avec presque 2 fois plus de rejets que ce qui est autorisé en particulier lors des opérations d’arrêts et de démarrages.

UNE CONCLUSION DE RAPPORT SURPRENANTE :

Dans son rapport l’inspecteur écrit : « Cette inspection a permis de mettre en évidence plusieurs mauvaises compréhensions ou oublis dans le document d’ARKEMA à partir duquel a été établi l’Arrête du 27/03/2015. Il en résulte des difficultés, pour l’exploitant, à respecter certains points de ce dernier ». Doit-on conclure qu’ARKEMA aurait omis de transmettre certains éléments ?

CACHEZ-NOUS CETTE FLAMME QUE NOUS NE SAURONS VOIR :

En 2019, SBS propose un nouveau projet consistant à installer sur le site une solution qui permettrait d’incinérer sur place l’ensemble des résidus toxiques produits.
Une torche de sécurité sera construite avec la particularité d’avoir le bruleur à sa base et non en hauteur. C’est ce que l’on appelle « une torche fermée ».
L’inconvénient est qu’aucune démonstration du bon fonctionnement du nouveau process en présence de l’ensemble des produits entrants n’a été faite. Il est à craindre que, encore une fois la torche de sécurité, soit utilisée pour brûler les résidus toxiques avec émissions de ceux –ci dans l’atmosphère
Mais cela ne se verra pas car la combustion des résidus se fait au pied de la cheminée avec formation d’un panache moindre dans l’atmosphère …

LA RÉACTION DES SERVICES DE L’ÉTAT

De nouveaux Arrêts Préfectoraux datés du 08 Août 2019 prévoient toute une série de mesures contraignant les industriels du bassin de Lacq à davantage de surveillance de leurs émissions et en particulier à l’établissement d’un bilan commenté lié à l’amélioration de la connaissance des sources des rejets atmosphériques.

Ce bilan doit être remis sous 12 mois pour les industriels de la plate forme de Lacq et sous 15 mois pour les industriels des autres plateformes. Des adaptations spécifiques de ces arrêtés sont apportées pour les entreprises ayant une torche de sécurité : ARKEMA Lacq, ARKEMA Mourenx, SOBEGI Mourenx et LUBRIZOL.

LUBRIZOL peut, jusqu’au 30 avril 2020, torcher pendant 3400 heures cumulées, soit plus de 4 mois si l’incinérateur de SOBEGI Mourenx n’est pas disponible…

Peut-on toujours affirmer que le retour à la torche est un moyen de sécurité ?

Dans ces nouveaux arrêtés préfectoraux, des Valeurs Limites d’Emission (VLE) concernant les émissions d’acide sulfurique(4) ont été établies par la DREAL 64 alors qu’aucune réglementation n’existe en France et en Europe pour les émissions de cette substance.

Ces VLE diffèrent d’une entreprise à l’autre, et au sein d’une même entreprise d’une unité à l’autre (ARKEMA Lacq). Nous ne savons pas comment ces VLE ont été fixées. Notre courrier du 18 septembre 2019 dans lequel nous demandons les mesures des émissions d’acide sulfurique est, à ce jour, resté sans réponse.

La restitution d’un bilan concernant les émissions des substances par entreprise est prévue au plus tôt en aout 2020 et au plus tard en février 2021.
Ces délais sont à nos yeux beaucoup trop importants.

La SEPANSO64 demande, au vu des problèmes physiologiques rencontrés par les riverains du bassin industriel, la mise en place dès à présent des mesures des substances composant les pluies acides.

Nous avons présenté ici quelques dysfonctionnements majeurs.

Nous n’oublions pas SANOFI et ses rejets encore actuels de valproate de sodium, nous n’oublions pas l’opacité régnante chez TORAY, nous n’avons pas oublié non plus, les quantités massives de tétrachlorure de carbone, un des pires poisons de la couche d’ozone, émises par ARKEMA Mont pendant de nombreuses années, ni les dysfonctionnements récurrents d’ARKEMA Mourenx.

Du côté des études sanitaires ce n’est pas mieux : elles devaient être rendues dans leur totalité en 2017. Nous sommes fin 2019 et sortirons peut-être en décembre ... Un cadeau de fin d’année pour qui ?

Les industriels produisent, gagnent du temps, restent réticents à la publication de rapports dés lors qu’ils n‘en n’ont pas la maîtrise. Certains nous disent qu’ils ont toujours respecté les arrêtés préfectoraux oubliant les différentes mises en demeure prises à leur encontre et les nombreux écarts relevés par l’inspection dans les différents rapports.

Aujourd’hui d’importantes questions restent sans réponse :

➢ Est-il normal qu’ici, comme ailleurs en France, les industries contrôlent elles-mêmes leurs émissions atmosphériques ?

➢ Est-il normal qu’ici, comme ailleurs en France, les évaluations des risques sanitaires d’une entreprise soient faites par l’entreprise elle-même ?

➢ Est-il normal que le nombre des inspecteurs des installations classées soit si faible ?

➢ Est-il normal que la restitution d’un bilan concernant les émissions des substances pour chaque entreprise soit prévu au plus tôt en aout 2020 et au plus tard en février 2021 ?

➢ Est-il normal que les maires des communes du bassin industriel de Lacq soient si peu nombreux à entendre, écouter et prendre en considération les plaintes de leurs administrés ?

En attendant les riverains souffrent, les salariés s’inquiètent, notre environnement est sacrifié.

Mais politiques et services de l’Etat communiquent en se présentant comme de grands défenseurs de l’environnement sur la nécessité de mettre des moyens en oeuvre face à l’urgence climatique.

Cherchez l’erreur !

Groupe de travail Bassin de Lacq
Le 22/10/2019

(1) Sulfure d’hydrogène

(2)Dioxyde de soufre

(3)Monoxyde de carbone

(4)Acide sulfurique.

(5) Acroléine